
Mes sources sont diverses et nombreuses, les principales, outre les jeux eux-mêmes bien entendu, sont deux interviews de Toshiaki Fujino (le boss de Triangle Service), la première ayant été réalisée par Kiken et publiée dans Edge en 2005, la seconde ayant été réalisée par moi-même le mois dernier.
Merci à Mr Fujino pour ses réponses.
Si ce dossier/éditeur vous intéresse, je vous invite à poster vos commentaires et/ou à participer à nos rankings sur les jeux de la boite !
Bonne lecture !
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Chapitre 1 : des débuts difficiles. (XII Stag)Au début des années 2000, Toshiaki Fujino, programmeur de jeux vidéo, roule sa bosse de boite en boite, sans vraiment s’y régaler… Il faut dire que lui sa passion, c’est le shmup, « Mon rêve aurait été de travailler dans l’industrie des jeux vidéo quand Gradius est apparu dans les salles d’arcade » déclare-t-il, il est d’ailleurs un grand fan de la série, notamment de Gradius III qui est son jeu préféré. (Mouais, un peu maso le gars…)
Mais de shmup : point ! Ses contrats lui font juste accomplir quelques tâches précises pour des projets sur lesquels il n’a aucun contrôle, il travaille notamment chez Konami (KCEJ East) sur quelques adaptations de manga issus de Shônen Jump.
En 2001 tout de même, il trouve une petite compagnie désireuse de sortir un STG : enthousiasme ! Hélas, la compagnie s'avère peu fiable et les employés ne seront pas payés. Du coup ils claqueront la porte. (On sait aujourd'hui que le jeu en question est G-Stream 2020, chez Oriental Soft. Le jeu sera récupéré et renommé DeltaZeal par Fujino pour la compil' Shooting Love 10th anniversaire)
Mais Fujino n’en démord pas : il veut faire un shoot’em up, alors le 17 octobre 2002 il décide de créer sa propre société : Triangle Service, basée à Shinjuku. Il signe un contrat avec le graphiste (Gowmer) et le musicien (Naoto) avec qui il travaillait sur ce projet qui a capoté, et décide de le sortir sur borne. Pour l’anecdote, le nom Triangle Service ne vient pas du fait que la boite compte trois salariés, d’ailleurs soulignons que Gowmer et Naoto ne sont là que pour la durée de développement du jeu, en CDD quoi, c'est-à-dire que la société, c’est 1 personne, avec parfois des contractuels. Non, Fujino a choisi Triangle Service en référence à ses groupes favoris : Niagara Triangle et Sunnyday Service.

Loin de se laisser abattre, Fujino explique « j’ai donc dû changer le jeu pour le rendre original, ça a donné XII Stag (prononcez Twelve Stag), que Taito a accepté de publier d’abord en arcade en 2002, puis sur Playstation 2 la même année. »
Décortiquons le bébé !

L’écran titre de la borne : spartiate...
Le ton est donné : va falloir jouer par coeur, et faire monter le score !La jaquette du jeu sur PS2 a écrit : 12 times the fun and excitement !
Memorize the ennemy attack patterns, and use the shot, barrier, Side-Attack, and Backfire-Attack to strike back at the ennemy and clear all stages ! If you attack ennemies with the Side-Attack or the Backfire-Attack, you can get up to 12 times the normal score. Go for the highest score possible !
Mais dites moi, du par cœur, du score, en 2002… N’aurions-nous pas là un « rejeton » du dieu Ikaruga sorti en salle l’année d’avant ??? Sans aucun doute et on verra que les similitudes sont nombreuses ! Mais commençons par le commencement : premier contact, c’est moche ! Vraiment ! Tant au niveau des décors que des sprites : le jeu a l’air de tourner sur Megadrive, alors que son hardware est une Taito G-Net, du matos correct qui a fait tourner Raycrisis par exemple… Au fur et à mesure des parties cela dit, et sans aller jusqu’à dire que ça devient beau, disons qu’on s’habitue et on trouve même au jeu un côté vintage somme toute sympathique, et puis d’ailleurs les derniers niveaux sont plus réussis et le dernier boss est très bien. La musique est correcte en plus, elle vous portera un peu, mais un peu seulement car vous aurez du mal à l’entendre correctement… En effet votre tir frontal est incroyablement bruyant, il émet dès le début un son sourd et grave qui donne certes un grand sentiment de puissance, mais qui tape rapidement sur les nerfs au point qu’on est content de laisser filer le fretin une fois de temps en temps…


L’attaque latérale se déclenche avec le stick : soit en faisant droite puis gauche (et inversement) ceci pour une attaque de niveau 1, ou en faisant droite puis gauche gauche (et inversement) ceci pour une attaque de niveau 2. La Backfire-Attack quant à elle se déclenche seule, il suffit qu’un ennemi vous colle au train, littéralement, pour qu’il y brûle ses ailes.
Ce système d’attaque est très original, il fait aborder le jeu d’une façon inédite en obligeant le joueur à se placer à côté de l’ennemi, voire au dessus, c'est-à-dire en pleine zone à risque, alors que l’habitude est plutôt à jouer pépère en fond d’écran. Cette prise de risque ne restera pas vaine, chaque ennemi détruit avec l’une de ces deux attaques fera monter le multiplicateur en bas de l’écran d’une unité. Il ne montera pas plus haut que x12 et perdra une unité si vous restez 2 secondes sans re-détruire un truc.
On pige rapidement le principe une fois la partie lancée et on se prend vite au jeu de ces placements anticipés, ils sont d’ailleurs obligatoires car le level design fait tout pour vous obliger à ne pas vous cantonner à l’utilisation du tir frontal : ennemis qui viennent de partout, qui n’hésitent pas à descendre vous houspiller tout en bas de l’écran, etc…
Vous disposez pour vous faciliter la tâche de bombes, appelées judicieusement « barrier », qui quand vous les déclenchez définissent un cercle à l’écran dans lequel vous êtes indestructible (votre vaisseau prend des faux airs de Radiant Silvergun pendant la bombe...).
De plus, le jeu a un système de rank et d’évaluation de votre score, ce qui rendra certains boss plus ou moins difficiles et/ou vous ouvrira l'accès à des sections de niveaux supplémentaires, notamment au niveau 5.

La barrier en action.
D’abord, et c’est flagrant au bout de 30 secondes stick en main, le jeu est USANT, littéralement éreintant pour le joueur lambda. Les mouvements à faire pour déclencher les attaques latérales sont totalement inhabituels et demandent une endurance que peu d’entre nous possèdent… Et c’est pire au pad, votre pouce va demander grâce avant même le deuxième niveau : bonjour les ampoules, les crampes, les tendinites et autres joyeusetés… Fort heureusement, il est possible sur PS2 d’assigner un bouton à l’attaque latérale automatique, mais cela fait passer un peu à côté du jeu… Notez que les gros joueurs de XII Stag inversent régulièrement les mains sur le panel de leur stick : c'est à dire que de temps en temps, pour éviter les crampes, ils utilisent la main droite sur le stick et la main gauche sur les boutons. Ce changement de mains est indiqué par les mentions "lefthand"/"righthand"sur le Nice DVD 2, vendu en bundle avec Shooting Love 200X (pour le vaisseau 4 d'Exzeal), mais pas sur le premier Nice DVD montrant un superplay de XII Stag. Vous imaginez l'entrainement de fou que cela implique... Reste au joueur à décider si le jeu justifie un tel investissement...
Ensuite, le soft est à mes yeux trop proche d’Ikaruga : même principe de jeu « à chorégraphie », même nécessité de placements anticipés, même augmentation exponentielle du score jusqu’à bloquer à un certain point, même voix synthétique à chaque ennemi détruit… Sans que ça soit vraiment un problème, ça donne une impression d’avoir sous le nez un jeu trop jeune, pas assez mûr, à l’identité pas assez marquée… D’autant que XII Stag est loin de son modèle : manque de rythme, manque de souffle épique pour tout dire… Défaut de jeunesse sans aucun doute : Triangle Service venait de naître, et il fallait rapidement sortir quelque chose pour faire rentrer des fonds…
Mais le plus gros défaut du soft c’est qu’il est sec comme un coup de trique ! L’apprentissage se fait dans la douleur, millimètre par millimètre, tant les placements sont importants : on arrive dans un nouveau niveau et bang, on s’en prend une et il faut retenir, rebelote, on avance de 5 secondes et re-bang, etc… Bref : la crispation n’est pas loin et à moins d’être un scoreur maladif, vous aurez vite envie de lâcher prise car rien ne viendra gratifier votre progression : pas un p’tit clin d’œil, pas de surprises majeures… Ce défaut aurait pu être corrigé sur PS2 avec l’ajout tout simple d’un training mode/stage select (ce que propose Ikaruga dans ses versions console d’ailleurs !) qui aurait évité de devoir se retaper tout le jeu à chaque fois, d’autant que les quatre premiers niveaux sont vite lassants… Hélas, et même si on peut tout de même y jouer en Tate, cette adaptation console a été vite torchée et ne propose rien de plus que la version arcade…
Au final qu’avons-nous ? Certainement pas un jeu bâclé, mais en tous les cas un jeu gâché, un hit castré en quelque sorte… Beaucoup d’excellentes idées, mais aussi beaucoup d’approximations et d’oublis de la part du très jeune Triangle Service… Toutefois je vous conseille tout de même d’en faire quelques parties, et pourquoi pas à deux joueurs, car le jeu a pour lui ce côté « travail de jeunesse » qui est assez attachant.
De plus ce soft porte déjà quelques lignes caractéristiques des jeux Triangle Service :
- le vaisseau lui-même, avec son armement si spécifique, sera présent dans bon nombre des jeux suivants, soit en bonus caché, soit directement.
- l’absence totale de scénario, qui perdurera dans chaque soft de la compagnie. Une bonne chose en ce qui me concerne : un shmup, c’est d’abord du gameplay ! (Fujino poussera le vice jusqu’à indiquer dans la notice de Trizeal que « l’histoire est en nous »).
- l’absence totale de fioritures graphiques, lisibilité étant le maître mot, avec sans doute une pointe de nostalgie de la grande époque des shmups « galactiques » sur 8 et 16 bit. Parti pris discutable, et sans aucun doute préjudiciable pour les ventes : tous les jeux de la boite ont l’air d’avoir, graphiquement parlant, une ou deux génération de retard…
- deux approches possibles (voire plus !) : effectivement XII Stag permet d’aborder le jeu en scoreur ou en survivant, même si c’est assez fréquent, cela servira de point de départ à Fujino et ses jeux suivants auront tous plusieurs façons d’être abordés/joués, j’y reviendrai.
Bon à savoir :
- Sachez que la version PS2 a été localisée en Europe (jamais aux USA) par 505 Game Street début 2004, cette localisation propose comme il se doit la possibilité de jouer en 60Hz. Attention la version PS2 n'a pas de sauvegarde automatique des scores, vous devrez chaque fois repasser par le menu d'options.
- Sachez aussi qu’une adaptation existe sous le titre XIIzeal (référence aux titres suivants de Triangle Service) pour supports Windows mobiles.
- Le site jap' Millenium Crisis propose une soluce complète et tès détaillé du jeu, certes tout en japonais, mais très bien illustrée, c'est par ici !
- Chose intéressante : dans les crédits, un certain H. Toki est cité dans les remerciements, celui-là, on en entendra encore parler !
- Le niveau 8 de XII Stag est littéralement No Skill, et c'est tant mieux car le niveau 7 est une vraie gageure...
- Toshiaki Fujino a mis lui-même en ligne une démo jouale sur PC (voyez plus bas pour savoir à quelle occasion il a fait ça.) de XII Stag, il s’agit en fait du niveau 4 du jeu. Nommée XII Stag Limited, vous la trouverez ici.


La jaquette européenne et la notice de la borne.