La Marty c'est tout simplement une version console de salon du FM Towns. Quand Fujitsu s'est rendu compte que son
pasokon allait dans le mur (il est sorti en 1989, coûtait une maison et, en dehors d'un surplus de puissance et du support CD, ne proposait RIEN que le 68k ou le PC-98 ne faisaient pas déjà), ils ont décidé de convertir le truc en console, pensant qu'il y avait une place sur le marché : quand le Towns est sorti en 1989 on était au tout début de la technologie CD, c'était trop cher et trop compliqué et le monde vidéoludique s'en foutait, mais quand Fujitsu décide d'en faire une console, on en est en 1991, la Mega-CD vient de sortir, la 3DO est à peine annoncée, on parle d'une extension CD pour la SNES, les machines multimedia de salon font briller les yeux des gamins (oserais-je citer la CDi ?), y a la place.
La Marty sort finalement en février 93, c'est la toute première console 32bits (avant l'Amiga CD32, qui sort 6 mois plus tard et qu'on considère pourtant généralement comme la première) et pour faire simple, son architecture est celle d'un gros PC de bureau de l'époque (
386, disais-je, qui est le processeur le plus populaire d'Intel à l'époque -le 486 ne sera développé qu'en 1989, à un moment où le Towns est déjà sorti-)
Tout le matériel FM Towns était évidement compatible, notamment les jeux (qui, souvent, portaient le
double logo du Towns et de la Marty) et leurs accessoires (on pouvait brancher clavier et souris pour les jeux les nécessitant), mais tout ce qui faisait l'intérêt du micro (upgrade matériel, facilité de réparation,...) passait évidemment à la trappe. De fait, très vite, le 386SX, cadencé à 16MHz, peine à faire tourner les jeux les plus récents de manière fluide (notamment Tatsujin Oh, qui reste LE benchmark de la gamme FM Towns), et Fujitsu doit sortir la Marty 2, boostant son processeur à 25MHz (et proposant un modem en option). La Marty 2 sort en fin 1993 et se vautre (la Playstation est déjà annoncée, et c'est pas le même délire). Fujitsu tient la barre tant bien que mal pendant deux ans, bien soutenu par des firmes comme Vinc qui convertissent de l'arcade à tour de bras (avec double portage X68000/FM Towns), avant de devoir arrêter les frais en 1995.
En fait, Fujitsu était beaucoup trop en avance, tant en 1989 qu'en 1993, et s'est heurté au même problème que Sega : aucun jeu ne justifiait l'apport du CD, la 3D temps réel est encore utopique dans le monde du jeu vidéo et c'est pas trois minutes de vidéos mal compressées qui vont faire oublier au gars qui vient d'acheter sa rondelle de silice 15mille yens qu'il est en face d'un bête jeu en 2D comme il en a sur consoles 16bits. (Evidemment, y a la relativité de la chose, les jeux que font tourner le Towns et ses p'tites soeurs, aucune Megadrive n'aurait jamais pu se les fader, mais question gameplay, Tatsujin Oh ou ThunderForce IV -tous deux sortis en 1992-, ça reste des jeux de qualité équivalente dont rien ne justifie l'écart de tarif.)
Aujourd'hui, une Marty en bon état vaut entre 700 et 1000€ à poil, sans jeu ni pad ni cables, et carrément plus du double selon les accessoires présents (le prix le plus commun tourne autour de 1500-1700€ pour une machine complète avec deux ou trois jeux). On en trouve rarement, parce qu'il y en a très peu en circulation et qu'elles sont hors de prix, mais elles circulent assez bien : sur le marché nippon, elles ont assez mauvaise réputation ("c'est juste un downgrade du Towns"), donc on en trouve bien plus fréquemment en Europe que les X68000 ou le Towns lui-même.
Moi, j'en avais déniché une en Allemagne, donc, par l'entremise d'un ami là-bas, en 2008. Elle m'avait coûté ses 700 boules (j'étais fou, alors) mais, au delà du plaisir d'avoir eu la chose entre les mains, elle a vite, très vite pris la poussière. Je ne l'ai jamais branchée. Sérieusement. Vous commencez à me connaître, je n'joue pas sur console, si y a pas d'OS tordu à bidouiller ou de hardware interchangeable à bricoler, ça m'intéresse pas. Du coup, la Marty a atterri sur ma liste "à faire", et j'ai jamais fait. Deux mois plus tard, le pote avec lequel j'étais allé la chercher en Allemagne me demande ce que je compte en faire avec un clin d'oeil, me pose 700 tiquets sur la table et repart avec.
Mais j'aurais un Towns, un jour. Un vrai.