Hydeux a écrit :
(et pour l'ecole, c'est CARREMENT la faute de la gauche : depuis la reforme Jospin de 89, c'est la merde. Ajoutez a ca la paperasserie, les credits que la droite fait fondre comme neige au soleil*, le monde fait de cul de betise et d'ignorance**, et le tableau sera complet...)
Ne me dis pas que tu t'es laissé embrigader par le discours passéiste à deux balles des profs quinagénaires qui glosent 22 ans après sur le fait que Jospin a déclaré vouloir "mettre l'élève au centre du système".
Ce qui se cache derrière, c'est la croyance que l'école d'hier permettrait de résoudre les problèmes d'aujourd'hui. Ah ouais ? Demande à un mec qui enseignait aux minguettes en 1981 (l'année des émeutes là-bas) si l'école républicaine marchait comme sur des roulettes.
Selon moi, les problèmes principaux de l'Ecole depuis 30 ans c'est:
- qu'il y a aucun projet réel à long terme. L'Etat ne sait pas vraiment où il veut aller, encore moins comment y arriver. Il se contente d'intentions, de réformes qui ne sont pas relayées par des formations et un encadrement permettant une mise en place réelle et durable.
- Les profs sont complètement laissés à eux-mêmes. Sans parler de la formation initiale, dès la première année de titularisation, il n'y a plus de formation pédagogique, hormis les stages pro mais qui parlent très rarement de contenus disciplinaires: ça tourne plutôt autour de l'informatique, de compétences comportementales mais très rarement de la façon d'entrer dans le calcul littéral par exemple, d'enseigner les opérations sur les nombres relatifs ou l'introduction des nombres décimaux (vous l'aurez deviné, je suis prof de maths). Résultat, les pratiques s'archaïsent complètement à mesure qu'on avance dans le métier, créant des écarts énormes selon les génération. Pire, la qualité de l'enseignement plafonne très rapidement, au bout de 4-5 ans les profs ne progressent plus. Ce qu'il faudrait, c'est une formation disciplinaire soutenue sur les premières années (où les profs sont le plus ouverts), et régulière tout au long de la carrière. Des inspections beaucoup plus fréquentes que tous les 5 ans, avec un vrai rôle de guidage et non de sanction.
Pour résumer: l'enseignement français a accumulé un retard considérable, et l'hétérogénéité au sein des enseignants est énorme. "Classe au niveau fragile et hétérogène" pourrait décrire le corps enseignant français. Les efforts nécessaires pour révolutionner l'Ecole deviennent chaque jour plus monumentaux et difficiles à envisager.
Pourtant, ce n'est pas une mauvaise volonté des enseignants qui est à déplorer (même si les syndicats ont toujours été plutôt rétifs aux évolutions pédagogiques), ni un niveau universitaire bas (c'est exactement le contraire), mais le manque d'une vision, d'une ambition à l'échelle du ministère qui n'a jamais cherché à rendre ses professeurs plus professionnels. Tout se passe comme si chacun croyait que l'enseignement est un don, alors que c'est un geste professionnel complexe qui se perfectionne sur la longueur. L'education nationale laisse à chacun de ses professeurs le soin de réinventer la roue, au lieu de proposer par elle-même en quantité des approches, des progressions vraiment bien pensées, des innovations qui aideraient les profs et rendrait plus homogène l'enseignement dispensé.
je remercie chaque jour l'EN de m'avoir envoyé dans l'académie de Créteil en ZEP, où j'ai bénéficié d'une formation supplémentaire spécifique à l'académie, qui m'a amené à travailler plusieurs années avec des formateurs qui m'ont fait faire des bonds de géant dans ma pratique. Mais aujourd'hui, pour progresser, faudrait que je lise des publications à laquelle je devrais m'abonner en payant de ma poche. Isolé, pas stimulé, comment imaginer que le prof va sans cesse s'améliorer ? Au contraire, il se replie sur lui-même et bricole dans son coin.
Concernant les différents ministres, je considère que les deux seuls corrects que j'ai connu sont Lang et Ferry. Un de gauche, un de droite, les sensibilités sont ménagées. On a vu à leur époque apparaître des documents d'accompagnement aux programmes vraiment intéressants et riches. L'évaluation par compétences a commencé à émerger, et je crois qu'il voulait en faire autre chose que la coquille vide qu'a fini par nous servir le ministère actuel. C'est vraiment LOIN d'être suffisant mais ça témoignait au moins d'une compréhension du problème principal.
Quant au gouvernement actuel, son action est carrément criminelle. Les effectifs de l'EN sont en train de se renouveler en très grande partie en raison des départs à la retraite des baby-boomers, et qu'est-ce qu'ils ont trouvé de mieux à faire ? Réduire de 90% la formation des entrants de le métier, donc engager des profs pour 42 ans à qui personne n'apprendra autre chose qu'à bricoler. Là on est vraiment dans la merde. Ajouter en plus le recours massif à des vacataires qui eux n'ont AUCUNE formation, pour qui le job est souvent alimentaire dont qui s'en foutent royalement, vous comprendrez les ravages dans les classes. L'EN a perdu 10% de ses effectifs en 4 ans, principalement les postes d'enseignants spécialisés, de ceux qui permettaient aux plus faible de s'en sortir pendant les cinq années de primaire (RASED) par exemple, et les titulaires sur zone de remplacement, qui permettaient d'avoir des remplaçants qualifiés plutôt que des vacataires recrutés à pôle emploi avec 0 qualification. Et bien sûr, le ministère bourre les classes.
Le seul truc qui intéresse le ministère, c'est l'affichage et la com.
Le gouvernement qui s'attaquera vraiment au problème n'en tirera pas les fruits politiques, puisqu'il faudra au moins 10 ans pour que les choses s’améliorent visiblement. De toute façon cette culture de l'affichage sans RIEN derrière est incroyablement ancrée dans l'ère Sarkozy. Le meilleur truc pour comprendre comment le gouvernement actuel gère les services publics, c'est paradoxalement une série américaine: The Wire. Si vous l'avez vu, bah vous avez une idée très précise de la façon de faire actuelle en France.
Je terminerai en disant qu'il y a quelques mois l'OCDE a publié un rapport sur l'éducation dans ses 34 pays membres.
Pour vous décrire à quel point le boulot de prof est attractif, on est 23è sur 34 en salaire annuel, derrière tous les pays d'europe occidentale notamment, sauf les pays ruinés que sont la Grèce et l'Islande (l'étude date d'après 2008).
Et pour vous dire à quel point on jouit de conditions royales, on est 29è sur 34 en taux d'encadrement dans le primaire par exemple.
C'est d'ailleurs à mon avis le primaire qui est le plus laissé pour compte, et pour laquelle l'urgence est la plus criante.
Le rapport:
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Quelques conclusions:
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Bravo aux courageux qui auront ingéré ce pavé
