Oh, je sentais tellement venir ce post, et je savais exactement
d'où il allait venir... On a déjà eu cette discussion, Hubert, et je vais te dire la même chose que la dernière fois :
Isaac, Full Mojo Rampage, Starward Rogue, Neon Chrome, Neurovoider, et donc, Nuclear Trone, sont des roguelikes d'abord et surtout.
C'est le fond du fond du jeu, le code au coeur même duquel tu trouves la moelle du bordel, et les enjeux sont
radicalement différents de ceux d'un shmup. Il s'avère, en revanche, que pour en dynamiser le gameplay, là où certains usent de platformers (Dead Cells) ou de clickfests basées sur des rythmes de jeux de stratégies en temps réel de la grande époque (Diablo), il a été décidé d'utiliser le modèle d'un twin-stick shooter.
Je l'ai dit, je le redit, McMillen lui-même a pensé son jeu comme un roguelike, y a intégré toutes les mécaniques, calculs et percs, et n'a seulement qu'
en seconde réflexion décidé d'y appliquer un gameplay de twin-stick, parce qu'il voulait faire un jeu que "se sente" pad en main et utilise pour ça "tous les boutons" de la manette X-Box 360. De nombreux systèmes avaient été testés avant, et Isaac est un roguelike depuis bien plus longtemps qu'il est un shoot. Par définition, les enfants d'Isaac sont donc des roguelikes qui, par incidence et effet de mode, tirent vers le shoot. On ne
peut pas prendre le modèle de jeu sous l'angle inverse.
Il ne faut pas confondre gameplay et mécanique de jeu. La mécanique est maîtresse, le gameplay n'est qu'une manière parmi mille possibles de retranscrire cette mécanique au joueur. Le roguelike est cette mécanique : un ensemble de règles et de systèmes codées qu'il est possible de traduire, en terme de gameplay et de sensations de jeu, de tas de manières différentes. Un peu, exactement comme dans l'exemple que je cite, Mass Effect peut se permettre d'être un TPS sans pour autant qu'on l'appelle un TPS : il est, d'abord et avant tout, un jeu de rôle, c'est sa
base. Ainsi, tu peux faire un roguelike au tour par tour ultra classique comme Tangledeep, ou un ultra shooty et nerveux comme Nuclear Throne, et finir avec deux jeux dont les mécaniques sont rigoureusement celles d'une variante d'Angband, mais avec deux gameplays, deux façon de jouer, radicalement opposées.
Un shmup, c'est un shmup, et rien qu'un shmup. Qu'il s'agisse de Raiden, de Robotron, d'Einhander ou de la quinzième évolution de Mishihime-Sama Futura Black Label. On se base sur des variations de gameplay, mais qui toutes retranscrivent la même base et sont, indiscutablement, dès qu'on prend le stick, pad, clavier ou n'importe-quel contrôleur de jeu, identifiables en un clin d'oeil comme "des shmups". Et plus t'enlèves de couches dans le système de jeu, plus te reviens à ce qui fait la base du machin : un vaisseau, un pew-pew, des monstres qui avancent vers toi. Space Invaders. (Note que c'est pareil pour Fez. T'enlèves toutes les p'tites particularités du jeu, et au bout du bout, tu
as un jeu de plate-formes. Ca sa
base, son identité la plus pure, quelle que soit l'importance de ses à-côtés.)
De fait, oui, les enfants d'Isaac
peuvent et savent se faire apprécier sous l'angle du shoot, parce que les mecs qui programment ces trucs ne sont pas idiots et veulent/savent programmer des shoots jouables et agréables, mais, sans minimiser aucunement l'importance de ce gameplay shooteux (ils ne sont pas devenus leur propre genre pour des prunes), ils
sont, par définition et avant toute autre chose, des roguelikes. C'est leur plus petit dénominateur commun. Si tu les décortiques, il arrive à un moment où la surcouche de shoot disparaît pour ne plus laisser que des combinaisons de probas et de systèmes procéduraux qui en font des variations de l'application informatique la plus basique et synthétique d'un
jeu de rôle : Rogue (ou, plus exactement
Dungeon, qui date de 1975, mais on va éviter de s'embrouiller avec l'exactitude historique, on parle de mécanique).
Confonds pas, je ne cherche absolument pas à minimiser l'importance de la part de shoot dans ces jeux (sans rire, qui est-ce qui milite pour le genre
sur Shmup'em All depuis des années?). Elle y est, je dis même
exactement la même chose que toi à ce propos (littéralement : je dis " tu peux parfaitement jouer au jeu sans prêter le moindre intérêt à tous ces petits tweaks", tu réponds "ne pas pousser ne signifie pas forcément passer à coté du jeu", d'où question : tu me lis avant de répondre? :P ) mais c'est pas le point que j'essayais de faire. C'est pas, comme tu dis, "l'essence" du machin. Et puis le contexte de la question, quoi. La vision globalisante/big picture, elle est gentille, mais c'est de la surface. Là, on me demande un raisonnement de "spécialiste", sur Shmup'em All, vis-à-vis d'un jeu aux approches doubles, je donne donc
un raisonnement de spécialiste, sur Shmup'em All, vis-à-vis d'un jeu aux approches doubles. Et quand il s'agit de présenter ce genre de produit, surtout à un esthète Seibu-Toaplaniste comme notre Colonel, il est nécessaire de bien faire la distinction et de savoir précisément à quoi on a affaire : en l'occurrence, aussi solides que soient leurs sensations brutes et premier degré pad en main, ces jeux sont des roguelikes bien avant d'avoir ne serais-ce que la demi-idée d'être des shmups. (D'autant que, d'un point de vue plus général, tu sais aussi bien que moi à quel point l'appartenance même du twin-stick au genre shmup est une question chatouilleuse.)
Le contre-exemple, c'est, comme je le disais, Steredenn, qui est d'abord un shoot avant qu'on essaie de lui coller des mécaniques de roguelike, et vous savez très bien ce que je pense du résultat final : le shooting est très solide également, mais le jeu est mal foutu, mal présenté et désespérément déséquilibré.